Saturday, April 04, 2009
L’ACCAPAREMENT DES TERRES DE RIZIERES MET EN PERIL LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE DE L’AFRIQUE
Au lendemain de la crise alimentaire mondiale de 2008, les dirigeants africains ont renoué avec les grands discours sur la nécessité de l’autosuffisance alimentaire, et le riz figure souvent au premier plan des programmes gouvernementaux. Si tout le monde convient de la nécessité d’augmenter la production, les solutions qui sortent des allées du pouvoir se résument souvent aux vieilles recettes qui préconisent de procurer aux agriculteurs plus d’engrais et de semences « à haut rendement ». Aux yeux des décideurs, cela signifie inévitablement des semences de riz hybride chinois ou des semences du riz Nerica qui a été mis au point par le Centre africain du riz et bénéficie du soutien des bailleurs de fonds et des instituts de recherche les plus puissants qui interviennent sur le continent. [1] Les connaissances traditionnelles et les semences des agriculteurs africains, qui assurent l’alimentation et les moyens d’existence de la majorité des populations du continent, sont complètement ignorées.
La ruée sur les terres agricoles africaines est tout aussi problématique et n’est pas sans rapport avec ces semences imposées d’en haut. Pendant que les gouvernements africains proclament leur volonté d’assurer l’autosuffisance alimentaire, ils signent en catimini un nombre inquiétant d’accords avec des investisseurs étrangers qui accordent à ces derniers un contrôle sur les terres agricoles les plus importantes des pays, notamment sur les rizières. [2]
Prenons l’exemple du Mali. Le Mali, comme plusieurs autres pays d’Afrique occidentale, est devenu un important importateur de riz alors qu’il était récemment un exportateur net. Le gouvernement s’est maintenant engagé dans une initiative nationale sur le riz de plusieurs millions de dollars, censée restaurer l’autosuffisance alimentaire en aidant les agriculteurs du pays à produire plus. Pourquoi le gouvernement a-t-il donc laissé une immense étendue de bonnes terres de rizières à un fonds d’investissement libyen et à des entreprises chinoises ?
Il y a quelques années, en marge d’un sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) à Bamako, le président du Mali, Amadou Toumani Touré, a offert 100 000 ha de terres à l’intérieur de l’Office du Niger, la principale zone de riziculture du Mali. La Libye, un pays qui regorge de pétrodollars mais ne dispose pas de sa propre production alimentaire, dirige dans les faits le CEN-SAD, et elle a sauté sur l’occasion. Par l’intermédiaire d’une émanation de son fonds souverain,[3] le LAP (Lybia Africa Investment Portfolio), la Libye a signé un accord avec le Mali qui accorde à Tripoli un contrôle sur ces 100 000 ha, dans le cadre d’un projet d’investissement plus large dans les infrastructures de la zone qui prévoit l’élargissement d’un canal et l’amélioration d’une route. Le projet va commencer par la production de riz, à laquelle viendront ultérieurement s’ajouter la production de tomates et l’élevage.
Les détails sur les modalités de fonctionnement du projet commencent finalement à être connus. La filiale du LAP à Bamako, Malibya, est responsable de la gestion du projet. La construction des infrastructures a été confiée à CGC, une entreprise chinoise qui appartient à la grande compagnie pétrolière chinoise SINOPEC. [4] Une autre entreprise chinoise, dont le nom n’est pas mentionné, a obtenu un contrat pour la fourniture des semences de riz hybride chinois utilisées dans le projet et pour la formation d’experts locaux (dont certains sont déjà en Chine) sur la façon de les cultiver. Cette entreprise non citée est probablement le plus grand producteur de riz hybride de Chine, Yuan Longping High-tech Agriculture, qui dispose déjà de programmes de grande envergure en Afrique et d’un projet CGC similaire pour la production de riz hybride au Nigeria. [5]
Il ne s’agit pas ici du premier gros investissement de ce fonds souverain libyen dans la production de riz hybride en Afrique occidentale. En décembre 2007, le LAP a investi 30 millions de dollars dans un projet de riziculture au Libéria, qu’il gérera en partenariat avec une ONG, la Foundation for African Development Aid (ADA), sur 15-17 000 ha de terres que l’ADA a reçues du gouvernement libérien. [6]
Dans les deux cas, l’objectif mentionné pour le projet est d’aider à couvrir les besoins alimentaires locaux. Il y a toutefois bien des raisons de soupçonner que la motivation réelle est d’exporter du riz vers la Libye. En 2005, la dernière année pour laquelle des données de la FAO sont disponibles, la Libye a importé 177 000 tonnes de riz, évaluées à 62 millions de dollars US. Ces importations vont certainement se développer, alors que Tripoli est en train de faire avancer un ambitieux programme de 130 milliards de dollars pour le développement des infrastructures, qui devrait nécessiter un million de travailleurs étrangers qui viendront en majorité d’Asie. [7] En décembre 2008, la Libye a signé un accord avec le Bangladesh pour le recrutement d’un « grand nombre » de travailleurs. La Libye, à l’instar des autres pays arabes, cherche à échapper à sa dépendance vis-à-vis des filières mondiales de produits agricoles contrôlées par les multinationales, en couvrant ses besoins alimentaires par une externalisation de sa production alimentaire dans d’autres pays. [8] « Garantir la sécurité alimentaire au niveau du riz permet aussi de surmonter une autre difficulté essentielle : je veux parler des pays développés qui monopolisent la production agricole, et des multinationales qui monopolisent les prix des aliments de base », explique le directeur de Malibya, Abdalilah Youssef. [9]
Le vice-président de LAP a déclaré au Liberian Times en décembre 2007 que le projet du fonds au Libéria viserait aussi bien les marchés locaux que les marchés internationaux. [10] Avec le projet au Mali, même si la priorité annoncée pour le projet est le marché national du riz, certains signaux indiquent clairement que les exportations vers la Libye font partie du programme. Au cours d’une visite au Mali, Amadou Kanté dit Bany, un des directeurs généraux du LAP, a indiqué au journal L’Indépendant que le projet permettrait la production de riz « pour couvrir les besoins du Mali, de la Libye et de tous les autres pays du CEN-SAD ». [11]
Quelle que soit la destination finale du riz, toutefois, sa production ne va pas beaucoup aider les agriculteurs locaux. En fait, au Mali, le projet va se traduire par l’expulsion de certains agriculteurs locaux de leurs terres et il va entrer directement en concurrence avec d’autres pour l’approvisionnement en eau à partir du fleuve Niger, la plus importante ressource pour l’irrigation de la région Sahel-Sahara. Malibya négocie déjà avec le gouvernement malien pour obtenir une priorité sur l’attribution de l’eau hors saison, quand les niveaux de l’eau sont faibles.
« Pour ce qui est de la réorganisation des populations, c’est-à-dire des villages qui devront quitter leur région, je dis que tout arrangement crée des perturbations, et je demande la coopération de chacun à cet égard. Pour nous, il ne s’agit pas de chasser des gens ou de les évacuer, mais simplement de les réorganiser », déclare Abdalilah Youssef, le directeur de Malibya. [12]
Mamadou Goita, directeur exécutif de l’Institut pour la recherche et la promotion des alternatives en développement au Mali, situe le projet Malibya dans le contexte d’une réorganisation plus vaste de l’Office du Niger qui ouvre la voie à la prise de contrôle des terres agricoles par le secteur privé. « Les projets basés dans l’Office du Niger, tels que le projet Malibya et les projets financés par le biais du Millennium Challenge Account du gouvernement américain, poussent brutalement à l’industrialisation de l’agriculture et à la privatisation des terres de la zone », estime-t-il. De fait, au début du mois, Lonrho, un conglomérat basé à Londres, a annoncé qu’il était en pourparlers avec le gouvernement malien pour un projet de 25 000 ha de riziculture implanté dans l’Office du Niger. Cette surface vient s’ajouter aux 25 000 ha de rizières pour lesquels Lonrho vient de conclure un accord avec l’Angola et à l’accord foncier portant sur 100 000 ha qu’il est en train de négocier au Malawi. [|3]
Certains s’inquiètent par ailleurs de la façon dont ces projets sont en train de détruire l’importante diversité en riz locaux de la zone, en favorisant un petit nombre de variétés modernes, notamment les variétés du Nerica mises au point par le Centre africain du riz. Comme le rapportait le récent Rapport de GRAIN consacré au Nerica, la promotion considérable et à grande échelle du Nerica en Afrique représente une menace cruciale pour les systèmes de semences paysannes du continent, qui couvrent jusqu’à 90 pour cent de ses besoins en semences. Pour le Dr Assetou Samaké, professeur de génétique végétale à l’Université de Bamako et membre de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN), le Nerica est en train de remplacer les variétés locales dans la région de l’Office du Niger. Elle indique également que la zone a été transformée en une « forêt d’expérimentation » sans aucune transparence sur les types de semences qui sont introduits, et elle s’inquiète du fait que la région pourrait devenir un terrain d’essai pour des OGM et des semences hybrides.
Dans le cas des projets du LAP au Mali et au Libéria, tous deux recevront des semences de riz hybride chinois. Le riz hybride peut permettre des rendements élevés, mais seulement quand une mécanisation sophistiquée et des niveaux importants d’intrants chimiques sont utilisés. [14] Par ailleurs, les semences de riz hybride ne peuvent être conservées par les agriculteurs. Ils doivent les racheter chaque année, ce qui les rend inabordables et inutilisables dans la pratique par les petits agriculteurs libériens ou maliens. En outre, sa médiocre qualité gustative constitue un aspect dissuasif important pour les petits agriculteurs qui fournissent les marchés locaux. Le riz hybride est moins problématique quand il s’agit de fournir des denrées alimentaires bon marché à des travailleurs immigrés, ce qui sera sans doute le cas pour les projets du LAP au Mali et au Libéria. L’utilisation du riz hybride par le LAP pourrait ouvrir la voie à des projets de riz hybride à plus grande échelle, ce qui créerait un dangereux précédent pour les riziculteurs ouest-africains et leurs systèmes semenciers.
Au début 2007, plus de 500 personnes représentant des agriculteurs, des pêcheurs, des populations autochtones, des ouvriers de l’alimentation et des organisations de la société civile du monde entier se sont réunies à Nyéléni, au Mali, pour renforcer le mouvement mondial en faveur de la souveraineté alimentaire. [|5] Ils ont déclaré : « La plupart d’entre nous sont des producteurs de denrées alimentaires et nous sommes prêts, capables et désireux de nourrir tous les peuples du monde. » Ce mouvement est en train de se développer et de prendre de la vigueur, mais c’est également vrai des forces qui menacent de prendre aux petits producteurs de denrées alimentaires les semences et les terres qui constituent le fondement même de leur capacité à nourrir les populations et à assurer leurs moyens d’existence. Ce conflit entre les deux visions de l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture est en train de donner naissance à une tempête que la Libye et des autres accapareurs de terre ne pourront empêcher par des discours creux sur les projets « gagnant-gagnant ». Les nuages noirs s’amoncellent dans le ciel africain.
source: http://www.grain.org/articles/?id=47
82,000 ha DE SEMENCES DE MAIS GM DE MONSANTO STERILE...
Les fermiers d’Afrique du Sud, qui s’étaient lancés dans la cultures de variétés de Maïs GM vendues par Monsanto ,ont eu la désagréable surprise de découvrir que leurs plantes transgéniques avaient produit des épis dépourvus de graines.
La stérilité des plants de Maïs touche trois variétés distinctes vendues par Monsanto, au total ce sont plus de 82 000 hectares de maïs transgénique qui sont touchés. En apparence la croissance du Maïs était satisfaisante, mais en ouvrant les épis pour juger de leur maturité, les agriculteurs se sont aperçus que les plantes étaient stériles et n’avaient pas produits la précieuse graine jaune. Quelques 280 exploitants agricoles Sud Africains se sont déjà manifestés pour rapporter ce phénomène dans leurs champs.
Monsanto a aussitôt reconnu sa responsabilité et s’est engagée à offrir une compensation aux cultivateurs lésés. Monsanto explique l’échec de ses trois variétés de maïs par un problème « d’infertilisation qui se serait produit au cour du processus de fabrication dans les laboratoires ». L’évaluation des dommages est en cours avec la participation des coopératives locales, d’après Monsanto cela concernerait environ 25% des semences vendues la saison passée. Les variétés de maïs incriminées avaient été génétiquement manipulées pour résister à l’herbicide Roundup, le best seller de Monsanto, et pour produire une toxine insecticide. D’après Kobus Lindeque, directeur de Monsanto en Afrique, il ne s’agit pas d’un « problème lié aux modifications génétiques » qu’ont subies les plantes, mais « d’une insuffisante fertilisation durant la production des semences ».
D’après Marian Mayet, directrice du Africa Centre for Biosecurity à Johannesburg, certaines exploitations auraient subi jusqu’à 80% de pertes. Son organisation, l’une des principales en Afrique du Sud, appelle le gouvernement à établir un moratoire afin de conduire une enquête sur les raisons de cet échec du maïs transgénique de Monsanto. De plus, les organisations environnementales réclament plus de transparence sur la présence d’OGM dans l’alimentation, par la mise en place d’une politique d’étiquetage obligatoire des produits alimentaires, qui aujourd’hui fait défaut.
Au delà du fait que cette contre performance du maïs GM de Monsanto plombe la récolte 2009, cela pose également la question de l’approvisionnement alimentaire dans les pays du Sud. Comme dans beaucoup de pays africains, le maïs est l’aliment de base des 48 millions de Sud africains. Une chute de la production subite risque d’entraîner une hausse du prix des denrées alimentaires sur le marché local. Or, la part du budget pour l’alimentation est en moyenne de 50% pour une famille africaine (80% pour les plus pauvres), ainsi même une légère augmentation des prix pourrait entraîner un appauvrissement des populations les moins favorisées et avoir un impact négatif sur la nutrition de ces personnes.
source: CombatMonsanto
Subscribe to:
Posts (Atom)