Sunday, May 24, 2009
CULTURE DE POURGHERE/JATROPHA AU MALI: PRODUCTION DE BIOCARBURANT AU DETRIMENT DE LA PRODUCTION VIVRIERE
Les pauvres ont faim ? Qu’ils mangent du gasoil !
par Pauline Imbach
source: http://www.cadtm.org//spip.php?article3966/
24 décembre 2008
Fin juin 2008, quelques mois seulement après les émeutes de la faim, une Agence nationale de développement des « biocarburants » est créée au Mali. Cette agence a pour mission la mise en oeuvre de la stratégie du pays dans le développement des agrocarburants pour la période 2008-2023. A terme, l’agence vise le remplacement de 20% du gasoil et du DDO |1| par l’huile de pourghère.
La pourghère ou Jatropha curcas ou Bagani « poison » en bambara est une espèce de plante à fleurs de la famille des Euphorbiaceae. Elle est originaire du Brésil. Les paysans l’utilisent en haies vives pour protéger leurs cultures des vents et des animaux qui s’en éloignent à cause de sa toxicité et de son odeur nauséabonde. Plantée serrée autour des terrains cultivés, elle fournit de l’humus et retient l’humidité. Les graines sont utilisées comme purgatif en médecine traditionnelle et l’huile sert à fabriquer du savon. La pourghère est facile à cultiver, elle pousse en terre aride et ne requiert ni labourage, ni ensemencement. De plus, elle possède des qualités insecticides et fongicides.
L’idée d’en faire un carburant n’est pas nouvelle. Déjà pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1942, les colons français avaient expérimenté ce carburant pour prévenir une éventuelle pénurie de pétrole. Les tests furent peu probants et le projet abandonné. Au début des années 1990, les expériences reprennent et diverses études ont confirmé la faisabilité technico-économique de la transformation de la pourghère. Le Mali est un précurseur dans la production d’énergie à base de pourghère. Cette plante peut produire jusqu’à 2000 litres de diester |2| par hectare ce qui est largement supérieur au colza. Le coût de production du litre d’huile de pourghère est estimé entre 0,25 euros et 0,38 euros (170 Fcfa et 250 Fcfa) contre 0,72 euros (475 Fcfa), soit le double, pour le gasoil.
L’agrocarburant malien : projet à vocation socio-économique ou nouveau poison néocolonial au goût de françafrique ?
Dans un communiqué du conseil des ministres du mercredi 25 juin 2008 il est mentionné que « La stratégie nationale pour le développement des biocarburants vise à accroître la production locale d’énergie par le développement des biocarburants en vue de fournir à moindre coût de l’énergie pour satisfaire les besoins socio-économiques du pays. Dans ce cadre, il est prévu l’accroissement de la production végétale de base des biocarburants, l’érection d’infrastructures artisanales et industrielles de production, de transformation et de distribution de biocarburants ». |3|
Quelques mois plus tôt, en septembre 2007, l’ancien ambassadeur français auprès de la FAO Charles Million, en visite à Bamako, défendait l’objectif de faire du Mali, en dix ans, le producteur de biodiesel le plus important du continent. Il escompte ainsi « prouver qu’on peut conjuguer développement et rentabilité économique ». Dans son sillage, deux représentants du savoir-faire français en matière d’oléagineux et de biomasse/énergies renouvelables : Jean-Claude Sabin, président et fondateur de Proléa (Sofiprotéol, dépositaire de la marque biodiester) et Francis Simoncini, président de Bio Maïa (filiale de Maïa Sonnier). Le trio a signé le 15 septembre 2007 avec l’État du Mali une convention-cadre de quelque 120 millions d’euros sur un ambitieux projet de production d’agro-carburants, la première d’une série qui couvrira plusieurs pays africains, mais aussi d’Asie et d’Amérique latine.
Dans un article de « Marchés tropicaux », on peut lire « Lorsque j’ai contacté Total la première fois au sujet de ce projet agro-carburants, ils m’ont presque ri au nez. Aujourd’hui, ils disent ‘’ne partez pas sans nous‘’, s’amuse un des protagonistes d’AgroED (société française Agro Energie Développement). Et Total affiche la couleur (verte) : le groupe s’affirme comme le leader européen des biocarburants » |4|.
Pendant que les milieux d’affaires s’amusent entre eux à concocter de nouveaux moyens cyniques d’engendrer des profits, les paysans sont dépossédés de leurs terres, les populations s’appauvrissent et crient famine.
Cultures alimentaires contre cultures à vocation énergétique.
La satisfaction des besoins socio-économiques doit être au cœur des priorités d’un gouvernement. Mais, contrairement à ce qu’affirme le communiqué du conseil des ministres, la création à grande échelle d’agrocarburant ne va pas entraîner une amélioration de la qualité de vie des populations et la satisfaction des besoins socio-économiques. Le premier de ces besoins est de se nourrir. La pourghère ne se mange pas, soit. On ne transforme donc pas une denrée alimentaire en carburant mais elle pousse dans la terre comme toutes les plantes (nourricières). Cette plante, capable de produire plus que le colza va être mise en concurrence avec la plantation de produits alimentaires, à coup de lobby, de subventions et d’investissements colossaux. Si l’huile de pourghère est rentable, les agro-industriels comme Proléa, Bio Maïa ou Total ne vont pas se contenter de quelques kilomètres de haies vives, mais vont y consacrer des espaces actuellement réservés à la production de mil, de blé, de haricots ou autres terres utiles aux besoins quotidiens des populations. Ainsi, à Boni, au nord du Burkina Faso, les villageois ont déjà « offert » un terrain boisé de 60 à 70 hectares, sans contrepartie, aux promoteurs d’un projet d’implantation de pourghère. Les responsables de ce projet ont déjà prévu d’abattre tous les arbres du terrain, privant ainsi les femmes de bois de chauffe, l’énergie du pauvre, au profit de l’huile de pourghère, pour alimenter les 4x4 des riches.
Les cultures alimentaires risquent d’être remplacées par des cultures à vocation énergétique, responsables, pour partie, de l’augmentation des prix des matières premières agricoles et donc des famines qui sévissent dans de nombreux pays africains |5| . La valeur monétaire des graines de pourghère est de 55 francs CFA par kg. Pour les sous-produits, leur valeur monétaire est estimée à 40% de la valeur des graines. Dans la commune de Garalo au Mali, une étude compare les bénéfices à l’hectare de la pourghère avec les bénéfices à l’hectare d’autres cultures, et montre que la production de pourghère est systématiquement plus rentable que le maïs et le sorgho, et dans certains cas, que l’arachide et le coton |6| . Au-delà des enjeux économiques pour les agro-industriels, si pour un paysan il y a plus de débouchés économiques à vendre de la pourghère à un fabricant d’agrocarburant plutôt que du maïs ou du sorgho au marché de son village, que va-t-il cultiver ? Et ce n’est pas aux paysans qu’il faut jeter la pierre, mais bien à cette logique néolibérale du profit qui, à grand renfort médiatique, promeut insidieusement en pleine période de crise alimentaire la mise à disposition des terres pour fabriquer des agro carburants !
Même si des micro-projets locaux ont montré que le bio éthanol permettait d’accéder à l’électricité ou à la mécanisation, à partir du moment où les grands groupes s’emparent de la question pour produire de manière intensive, le pire est à craindre.
Ainsi, le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire envisagent une augmentation conséquente des biocarburants à base de pourghère, grâce à des investisseurs étrangers qui ont lancé sur des dizaines de milliers d’hectares la culture de la jatropha. La Jatroci, première unité agricole de jatropha de Côte d’Ivoire, a déjà planté 5.000 ha de jatropha dans les régions de Toumodi, Taabo et Dimbokro (centre de la Côte d’Ivoire), dont 100 ha servent de "banques semencières". Les "banques semencières" visent à fournir en plants les 10.000 ha de plantations qui doivent être réalisées d’ici fin 2008 pour alimenter une unité de transformation d’huile encore en projet. Interrogé par le magazine 7 sur 7 M. Anet, créateur de Jatroci confie qu’il est "en discussions pour l’ ’acquisition’ de 100.000 hectares dans la région".
La solution de la crise alimentaire n’est pas de cultiver pour nourrir des …voitures.
Depuis 50 ans, la Banque mondiale impose, aux pays en voie de développement, des politiques agricoles dévastatrices. La logique est simple et s’organise autour de trois mots d’ordre : « culture de rente », « exportation » et « remboursement de la dette et de ses intérêts ». Cette équation traduite sur le terrain donne : plus de cacao, plus de coton, plus de café et moins de mil, de haricots ou de blé ; plus d’exportations et plus d’importations pour moins de souveraineté et d’indépendance. Les bureaucrates de la Banque mondiale, ne se sont pas souciés, en mettant en place ces « plans de destruction structurelle » des conséquences inévitables pour les populations : la famine.
Alors que les responsabilités de cette crise alimentaire ont été mainte fois prouvées, on veut nous faire croire que c’est en produisant des agrocarburants que l’Afrique va « enfin » se développer. Non ! C’est toujours la même logique morbide de profit et de domination qui se met en place : à l’heure où le pétrole devient rare, il est indispensable de trouver une alternative et peu importe que celle-ci occupe des surfaces agricoles potentielles dans des lieux où on manque de nourriture, pourvu que les bénéfices soient juteux.
La pourghère va constituer une nouvelle culture de rente dont le gros des bénéfices va être accaparé par le secteur privé et le reste va servir à rembourser une dette illégitime et odieuse, dette qui depuis 1960, maintient les pays « indépendants » dépendants.
Plus de 860 millions de personnes souffrent chroniquement de la faim, les trois-quarts de ces personnes sont des paysannes et des paysans sensés « vivre de l’agriculture ».
La mise en place d’agrocarburants à base de pourghère est contraire au principe de souveraineté alimentaire, seule solution viable pour les paysans et les populations. La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à définir leurs propres politiques en matière d’alimentation et d’agriculture, à protéger et à réglementer la production et le commerce agricoles intérieurs afin de réaliser leurs objectifs de développement durable, à déterminer dans quelle mesure ils veulent être autonomes et à limiter le dumping des produits sur leurs marchés. Pour sortir de cette crise, il faut revenir à une agriculture paysanne dont l’objectif est de nourrir les hommes … pas les voitures !
Notes
|1| Distilled Diesel Oil, combustible proche du gasoil
|2| Le terme Diester est formé par la contraction de diesel et ester, il est devenu commun pour désigner en France, les esters méthyliques d’huiles végétales (EMHV), le biodiesel en Europe et en Amérique du Nord.
|3| République du Mali, Communique du conseil des ministres, 25 juin 2008, page 6. http://www.sgg.gov.ml/Ccm/ccm25juin08.pdf
|4| http://www.marches-tropicaux.com/Article.asp ?art_id=5274
|5| Lire : Ce qui devait arriver arriva … de Rock Nianga. http://www.cadtm.org/spip.php ?article3377
|6| Romain Latapie, La culture du pourghère : une activité génératrice de revenus qui permet de faire face aux enjeux énergétiques du mali. Le cas du projet Garalo Bagani Yelen, mémoire de fin d’étude, Faculté des sciences économiques, Université de Rennes 1, octobre 2007, page 69.
par Pauline Imbach
source: http://www.cadtm.org//spip.php?article3966/
24 décembre 2008
Fin juin 2008, quelques mois seulement après les émeutes de la faim, une Agence nationale de développement des « biocarburants » est créée au Mali. Cette agence a pour mission la mise en oeuvre de la stratégie du pays dans le développement des agrocarburants pour la période 2008-2023. A terme, l’agence vise le remplacement de 20% du gasoil et du DDO |1| par l’huile de pourghère.
La pourghère ou Jatropha curcas ou Bagani « poison » en bambara est une espèce de plante à fleurs de la famille des Euphorbiaceae. Elle est originaire du Brésil. Les paysans l’utilisent en haies vives pour protéger leurs cultures des vents et des animaux qui s’en éloignent à cause de sa toxicité et de son odeur nauséabonde. Plantée serrée autour des terrains cultivés, elle fournit de l’humus et retient l’humidité. Les graines sont utilisées comme purgatif en médecine traditionnelle et l’huile sert à fabriquer du savon. La pourghère est facile à cultiver, elle pousse en terre aride et ne requiert ni labourage, ni ensemencement. De plus, elle possède des qualités insecticides et fongicides.
L’idée d’en faire un carburant n’est pas nouvelle. Déjà pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1942, les colons français avaient expérimenté ce carburant pour prévenir une éventuelle pénurie de pétrole. Les tests furent peu probants et le projet abandonné. Au début des années 1990, les expériences reprennent et diverses études ont confirmé la faisabilité technico-économique de la transformation de la pourghère. Le Mali est un précurseur dans la production d’énergie à base de pourghère. Cette plante peut produire jusqu’à 2000 litres de diester |2| par hectare ce qui est largement supérieur au colza. Le coût de production du litre d’huile de pourghère est estimé entre 0,25 euros et 0,38 euros (170 Fcfa et 250 Fcfa) contre 0,72 euros (475 Fcfa), soit le double, pour le gasoil.
L’agrocarburant malien : projet à vocation socio-économique ou nouveau poison néocolonial au goût de françafrique ?
Dans un communiqué du conseil des ministres du mercredi 25 juin 2008 il est mentionné que « La stratégie nationale pour le développement des biocarburants vise à accroître la production locale d’énergie par le développement des biocarburants en vue de fournir à moindre coût de l’énergie pour satisfaire les besoins socio-économiques du pays. Dans ce cadre, il est prévu l’accroissement de la production végétale de base des biocarburants, l’érection d’infrastructures artisanales et industrielles de production, de transformation et de distribution de biocarburants ». |3|
Quelques mois plus tôt, en septembre 2007, l’ancien ambassadeur français auprès de la FAO Charles Million, en visite à Bamako, défendait l’objectif de faire du Mali, en dix ans, le producteur de biodiesel le plus important du continent. Il escompte ainsi « prouver qu’on peut conjuguer développement et rentabilité économique ». Dans son sillage, deux représentants du savoir-faire français en matière d’oléagineux et de biomasse/énergies renouvelables : Jean-Claude Sabin, président et fondateur de Proléa (Sofiprotéol, dépositaire de la marque biodiester) et Francis Simoncini, président de Bio Maïa (filiale de Maïa Sonnier). Le trio a signé le 15 septembre 2007 avec l’État du Mali une convention-cadre de quelque 120 millions d’euros sur un ambitieux projet de production d’agro-carburants, la première d’une série qui couvrira plusieurs pays africains, mais aussi d’Asie et d’Amérique latine.
Dans un article de « Marchés tropicaux », on peut lire « Lorsque j’ai contacté Total la première fois au sujet de ce projet agro-carburants, ils m’ont presque ri au nez. Aujourd’hui, ils disent ‘’ne partez pas sans nous‘’, s’amuse un des protagonistes d’AgroED (société française Agro Energie Développement). Et Total affiche la couleur (verte) : le groupe s’affirme comme le leader européen des biocarburants » |4|.
Pendant que les milieux d’affaires s’amusent entre eux à concocter de nouveaux moyens cyniques d’engendrer des profits, les paysans sont dépossédés de leurs terres, les populations s’appauvrissent et crient famine.
Cultures alimentaires contre cultures à vocation énergétique.
La satisfaction des besoins socio-économiques doit être au cœur des priorités d’un gouvernement. Mais, contrairement à ce qu’affirme le communiqué du conseil des ministres, la création à grande échelle d’agrocarburant ne va pas entraîner une amélioration de la qualité de vie des populations et la satisfaction des besoins socio-économiques. Le premier de ces besoins est de se nourrir. La pourghère ne se mange pas, soit. On ne transforme donc pas une denrée alimentaire en carburant mais elle pousse dans la terre comme toutes les plantes (nourricières). Cette plante, capable de produire plus que le colza va être mise en concurrence avec la plantation de produits alimentaires, à coup de lobby, de subventions et d’investissements colossaux. Si l’huile de pourghère est rentable, les agro-industriels comme Proléa, Bio Maïa ou Total ne vont pas se contenter de quelques kilomètres de haies vives, mais vont y consacrer des espaces actuellement réservés à la production de mil, de blé, de haricots ou autres terres utiles aux besoins quotidiens des populations. Ainsi, à Boni, au nord du Burkina Faso, les villageois ont déjà « offert » un terrain boisé de 60 à 70 hectares, sans contrepartie, aux promoteurs d’un projet d’implantation de pourghère. Les responsables de ce projet ont déjà prévu d’abattre tous les arbres du terrain, privant ainsi les femmes de bois de chauffe, l’énergie du pauvre, au profit de l’huile de pourghère, pour alimenter les 4x4 des riches.
Les cultures alimentaires risquent d’être remplacées par des cultures à vocation énergétique, responsables, pour partie, de l’augmentation des prix des matières premières agricoles et donc des famines qui sévissent dans de nombreux pays africains |5| . La valeur monétaire des graines de pourghère est de 55 francs CFA par kg. Pour les sous-produits, leur valeur monétaire est estimée à 40% de la valeur des graines. Dans la commune de Garalo au Mali, une étude compare les bénéfices à l’hectare de la pourghère avec les bénéfices à l’hectare d’autres cultures, et montre que la production de pourghère est systématiquement plus rentable que le maïs et le sorgho, et dans certains cas, que l’arachide et le coton |6| . Au-delà des enjeux économiques pour les agro-industriels, si pour un paysan il y a plus de débouchés économiques à vendre de la pourghère à un fabricant d’agrocarburant plutôt que du maïs ou du sorgho au marché de son village, que va-t-il cultiver ? Et ce n’est pas aux paysans qu’il faut jeter la pierre, mais bien à cette logique néolibérale du profit qui, à grand renfort médiatique, promeut insidieusement en pleine période de crise alimentaire la mise à disposition des terres pour fabriquer des agro carburants !
Même si des micro-projets locaux ont montré que le bio éthanol permettait d’accéder à l’électricité ou à la mécanisation, à partir du moment où les grands groupes s’emparent de la question pour produire de manière intensive, le pire est à craindre.
Ainsi, le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire envisagent une augmentation conséquente des biocarburants à base de pourghère, grâce à des investisseurs étrangers qui ont lancé sur des dizaines de milliers d’hectares la culture de la jatropha. La Jatroci, première unité agricole de jatropha de Côte d’Ivoire, a déjà planté 5.000 ha de jatropha dans les régions de Toumodi, Taabo et Dimbokro (centre de la Côte d’Ivoire), dont 100 ha servent de "banques semencières". Les "banques semencières" visent à fournir en plants les 10.000 ha de plantations qui doivent être réalisées d’ici fin 2008 pour alimenter une unité de transformation d’huile encore en projet. Interrogé par le magazine 7 sur 7 M. Anet, créateur de Jatroci confie qu’il est "en discussions pour l’ ’acquisition’ de 100.000 hectares dans la région".
La solution de la crise alimentaire n’est pas de cultiver pour nourrir des …voitures.
Depuis 50 ans, la Banque mondiale impose, aux pays en voie de développement, des politiques agricoles dévastatrices. La logique est simple et s’organise autour de trois mots d’ordre : « culture de rente », « exportation » et « remboursement de la dette et de ses intérêts ». Cette équation traduite sur le terrain donne : plus de cacao, plus de coton, plus de café et moins de mil, de haricots ou de blé ; plus d’exportations et plus d’importations pour moins de souveraineté et d’indépendance. Les bureaucrates de la Banque mondiale, ne se sont pas souciés, en mettant en place ces « plans de destruction structurelle » des conséquences inévitables pour les populations : la famine.
Alors que les responsabilités de cette crise alimentaire ont été mainte fois prouvées, on veut nous faire croire que c’est en produisant des agrocarburants que l’Afrique va « enfin » se développer. Non ! C’est toujours la même logique morbide de profit et de domination qui se met en place : à l’heure où le pétrole devient rare, il est indispensable de trouver une alternative et peu importe que celle-ci occupe des surfaces agricoles potentielles dans des lieux où on manque de nourriture, pourvu que les bénéfices soient juteux.
La pourghère va constituer une nouvelle culture de rente dont le gros des bénéfices va être accaparé par le secteur privé et le reste va servir à rembourser une dette illégitime et odieuse, dette qui depuis 1960, maintient les pays « indépendants » dépendants.
Plus de 860 millions de personnes souffrent chroniquement de la faim, les trois-quarts de ces personnes sont des paysannes et des paysans sensés « vivre de l’agriculture ».
La mise en place d’agrocarburants à base de pourghère est contraire au principe de souveraineté alimentaire, seule solution viable pour les paysans et les populations. La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à définir leurs propres politiques en matière d’alimentation et d’agriculture, à protéger et à réglementer la production et le commerce agricoles intérieurs afin de réaliser leurs objectifs de développement durable, à déterminer dans quelle mesure ils veulent être autonomes et à limiter le dumping des produits sur leurs marchés. Pour sortir de cette crise, il faut revenir à une agriculture paysanne dont l’objectif est de nourrir les hommes … pas les voitures !
Notes
|1| Distilled Diesel Oil, combustible proche du gasoil
|2| Le terme Diester est formé par la contraction de diesel et ester, il est devenu commun pour désigner en France, les esters méthyliques d’huiles végétales (EMHV), le biodiesel en Europe et en Amérique du Nord.
|3| République du Mali, Communique du conseil des ministres, 25 juin 2008, page 6. http://www.sgg.gov.ml/Ccm/ccm25juin08.pdf
|4| http://www.marches-tropicaux.com/Article.asp ?art_id=5274
|5| Lire : Ce qui devait arriver arriva … de Rock Nianga. http://www.cadtm.org/spip.php ?article3377
|6| Romain Latapie, La culture du pourghère : une activité génératrice de revenus qui permet de faire face aux enjeux énergétiques du mali. Le cas du projet Garalo Bagani Yelen, mémoire de fin d’étude, Faculté des sciences économiques, Université de Rennes 1, octobre 2007, page 69.
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