L’or du Burkina pillé par les sociétés minières
Du 6 au 9 février dernier des experts se sont rencontrés en Afrique pour se pencher sur l’exploitation des mines et leurs contributions au développement. Ce Salon des mines a rassemblé 7 200 décideurs miniers. Ils sont parvenus à la conclusion que l’exploitation des ressources minières ne profite pas aux africains. Le Burkina qui est entré dans le cercle des pays miniers et présent à ce Salon vit le pillage. En 2011, L’Institut Fraser, un cabinet canadien spécialisé dans l’étude économique, a classé, dans sa dernière enquête annuelle (2010-2011), le Burkina Faso au 6e rang en Afrique en terme de potentiel minier.
L’institut a déclaré qu’environ un cinquième de la surface du Burkina Faso repose sur des ceintures de roches vertes, un environnement géologique similaire à celui des pays voisins du Ghana et du Mali. Au cours des cinq dernières années, sept nouvelles mines d’or ont été mises en production au Burkina Faso. Aujourd’hui, avec ce boom minier le Burkina rivaliserait avec ses voisins notamment le Ghana et le Mali. Depuis 2009, le produit d’exportation dominant est l’or détrônant ainsi le coton qui était resté pendant longtemps le principal produit exporté. Selon les chiffres publiés par les sociétés minières la production d’or qui atteignait 5,5 tonnes en 2008, s’est élevée à 11,7 tonnes en 2009, générant des recettes d’exportation de 177 milliards de francs CFA et une contribution au PIB de l’ordre de 4 % ; contre 121 milliards de francs CFA pour le coton.
La production d’or au Burkina Faso devrait augmenter de 32% en 2011 et s’établir à 33,7 tonnes contre 25,6 tonnes l’année précédente et 11,7 tonnes en 2009, selon le ministère en charge des Mines. Mais ce boom minier ne parvient pas à profiter au pays encore moins aux populations locales. Selon le Sénégalais Mouhamadou Niang de la Banque africaine de développement (BAD), le continent africain détient plus du tiers des réserves mondiales de minerais. Une proportion qui monte à plus de 70 % pour certaines ressources comme le fer, le manganèse, le platine ou le bauxite. Malgré ce potentiel, l’Afrique représente moins de 10 % de la production mondiale minière. Les participants ont dénoncé la faible production et surtout les évasions fiscales et le pillage des mines africaines. Le Ghana par exemple produit de l’or depuis près d’un siècle. Et en dépit de cette longue expérience, les mines pèsent moins de 2 % dans l’économie nationale.
En RDC, l’un des pays très riches en ressources minières en proie à des guerres et au pillage, l’activité minière ne contribue qu’à 3,6 % du PIB et n’a injecté que 274 millions d’euros dans les caisses de l’État en 2007. La production de la compagnie katangaise Gécamines est passée de plus de 450 000 tonnes de cuivre à la fin des années 1980 à 21 000 t en 2011. Son voisin Zambien, avec sa « ceinture de cuivre », ne fait pas mieux. Le secteur minier ne représente que 1,3 % de son économie, tandis que les recettes minières n’ont rapporté que 367 millions d’euros en 2008, avant l’instauration de nouvelles taxes. A la capitale Zambienne Lusaka, les techniques d’évasion fiscale des groupes Glencore et First Quantum, ont défrayé la chronique en juin dernier. Même l’Afrique du Sud, l’un des pays du globe les mieux dotés en minerais (avec des réserves valorisées à 1 900 milliards d’euros) n’est pas épargnée. Ses revenus miniers diminuent chaque année. Dans les années 1970, les mines contribuaient à 21 % du PIB et à plus de 600 000 emplois. Une contribution qui est passée à 6 % du PIB avec 400 000 salariés. Face à cette situation tous les pays qui ont pris part à ce salon ont demandé des révisions des codes miniers et des audits des contrats en cours d’exécution.
Les États veulent augmenter les taxes et royalties, bénéfiques pour les caisses publiques, mais pas seulement. Sous la pression des populations, notamment en période électorale et surtout de la Banque Mondiale, leur objectif prioritaire est de favoriser l’emploi, la sous-traitance, les infrastructures et la transformation locale. Pour parvenir à leurs fins, en pesant sur la stratégie des miniers présents sur leur sol, les États prennent des actions dans le capital des sociétés minières. À Bamako les autorités entendent faire passer leur participation de 15 % à 25 %, tandis qu’à Conakry l’État s’adjuge 15 % d’actions gratuites.
Franck Régis Tapsoba
MUTATIONS N. 7 de mars 2012, Mensuel burkinabé paraissant chaque 1er du mois (contact : Mutations.bf@gmail.com)