Depuis plusieurs jours, des "émeutes de la faim" prennent forme dans de nombreux pays du Sud en raison d'une flambée exponentielle des prix des céréales; en effet, en moins d'un an, le prix du mais a augmenté de +50%, le prix du riz de + 80% et le prix du blé de + 200%!
Les causes (économiques) de cette flambée sont multiples:
1) chute vértigineuse du prix du dollar > (conséquence directe de la politique monétaire ( frauduleuse) de la *Federal Reserve Bank des Etats Unis (*cartel privé des principales banques Americaines & Européennes)
Note: taper <Federal Reserve Bank>
2) augmentation exponentielle du prix du baril de pétrole - conséquence directe de la chute du dollar (
4) Politiques de subventions des biocarburants (
5) chute de la production alimentaire mondiale due aux aléas climatiques ( sécheresses, inondations, etc.)
Au niveau politique, la crise alimentaire mondiale est la conséquence directe et visée des politiques économiques et agricoles suicidaires dictées et imposées dans les pays du Sud ( avec la complicit
Le cynisme est à son comble quand les "architectes" de la crise alimentaire mondiale ( Banque Mondiale, FMI, OMC, ONU, FAO, EU, et autres institutions néocoloniales et portes-paroles des gouvernements des pays du G8 (ex: Louis Michel ) proposent de « l’aide » ou des « solutions » pour mettre un terme au "tsunami
En effet, tous ces facteurs sont inextricablement li
note: voir les autres articles publi
Les PAS (plans d’ajustement structurel) ont été imposés par les institutions de Bretton Woods aux pays du Sud dans le contexte de la crise de la dette du début des années 1980 |2|. Ces mécanismes, tout droit issus de l’idéologie néolibérale, englobent l’ensemble des secteurs des sociétés visées. En effet, pour les théoriciens du néolibéralisme, la mondialisation déploiera l’ensemble de ses bienfaits quand chaque région produira ce en quoi elle excelle et laissera donc le soin aux autres régions de produire la majorité de ce dont elle a besoin. C’est en substance la théorie des avantages comparatifs datant de 1817. Plus simplement, un pays reconnu comme étant particulièrement adapté à la culture du cacao doit renoncer à produire les céréales, les huiles végétales, les légumineuses nécessaires à l’alimentation de base de ses habitant(e)s et doit échanger sur le marché mondial sa production contre tout ce qui lui manque. Il s’agit donc de se couper des cultures vivrières séculaires et essentielles à la souveraineté alimentaire des peuples pour se plier aux jeux des économistes. Jeux dangereux qui ont montrés leurs limites très rapidement et dont on peut contempler toute la déraison à travers les échecs observés dans de nombreux pays ( Haïti, le Sénégal, le Burkina Faso, etc.). Dangereux car ignorants la destruction de la biodiversité au profit des monocultures d’exportations, ignorants aussi les impacts écologiques désastreux des transports nécessaires pour toutes ces marchandises.
De plus, comment imaginer, sans une politique volontariste de contrôle des prix, qu’un pays qui exporte l’arachide dont les cours restent bas pendant 20 ans sur le marché mondial pourra importer les tracteurs et le pétrole nécessaires à son maintien sur ce marché ? Quand on connaît la tendance des cours du Brent à s’envoler toujours plus vers de nouveaux sommets et des prix des biens manufacturés à rester démesurément supérieurs aux cours de cette pauvre cacahuète, on imagine la catastrophe. C’est immanquablement la ruine et la famine pour la paysannerie locale et l’inévitable migration vers les bidonvilles pour une large partie de cette population.
Quelle est donc cette théorie issue des milieux intellectuels réputés sérieux qui fait fi de la biodiversité, de la souveraineté alimentaire des peuples, des risques de destruction par différents fléaux naturels ou humains accrus par le choix de la monoculture, de l’essence chaotique du marché |3|, de la pollution généralisée ?
Une stratégie délibérée de transformation sociale à l’échelle mondiale
Dans son premier rapport de 1999 consacré aux PAS, M. Fantu CHERU |4| explique que l’ajustement structurel va « au delà de la simple imposition d’un ensemble de mesures macroéconomiques au niveau interne. Il est l’expression d’un projet politique, d’une stratégie délibérée de transformation sociale à l’échelle mondiale, dont l’objectif principal est de faire de la planète un champ d’action où les sociétés transnationales pourront opérer en toute sécurité. Bref, les PAS jouent un rôle de ’courroies de transmission’ pour faciliter le processus de mondialisation qui passe par la libéralisation, la déréglementation et la réduction du rôle de l’Etat dans le développement national. » Et cela vient d’un rapporteur spécial des Nations-Unies.
M. CHERU n’est d’ailleurs pas le seul rapporteur des Nations-Unies à avoir évoqué dans ses travaux les conséquences néfastes des PAS. Des critiques détaillées issues des travaux d’autres experts onusiens font feu de tout bois dans les domaines du droit au logement, du droit à l’alimentation ou encore à celui de l’éducation |5|. Là où les IFI imposent la privatisation et ouvrent une voie royale à l’appétit gargantuesque des multinationales. C’est donc à cause d’une dette trop souvent issue de dictatures ou d’emprunts réalisés par les puissances coloniales (l’un n’empêchant pas l’autre) et transférés aux états nouvellement indépendants, que les gouvernements des pays du Sud (d’Afrique en particulier) |6| ont été contraints d’accepter les PAS et ainsi concéder une part importante de leur souveraineté. Si bien qu’avancer aujourd’hui que les choix stratégiques pour l’alimentation seraient encore dans les mains des gouvernements du Sud relève de l’escroquerie intellectuelle à moins d’un manque d’information indigne du journalisme que l’on est en droit d’attendre en démocratie. Entendons par là que fustiger à tort les Africains est une contre-vérité lourde de sens et qui n’aide en rien à créer un climat fraternel entre les peuples.
Un exemple pour mieux comprendre les impacts négatifs des PAS : Haïti
Les émeutes qui se sont déclenchées la semaine dernière à Port-au-Prince, mais aussi dans d’autres villes haïtiennes, ont été réprimées dans le sang. Une quarantaine de blessés au total dont quatorze par balles et au moins 5 morts. Pourtant, ces manifestations n’étaient que le résultat prévisible d’une flambée subite du prix du riz (de l’ordre de 200%). Quand on sait qu’aujourd’hui 82% de la population vit dans une précarité absolue avec moins de 2$ par jour, on comprend facilement de telles réactions face à cette augmentation. Haïti utilise 80% de ces recettes d’exportations uniquement pour couvrir les importations nécessaires à ses besoins alimentaires |7|.
Cependant, il n’en a pas toujours été comme cela. Avant la chape de plomb dictatoriale des Duvalier père et fils (de 1957 à 1986), l’île connaissait l’autosuffisance alimentaire. Mais la tendance qu’ont les IFI’s à soutenir les dictatures s’est encore confirmée ici et le peuple haïtien, en plus des blessures personnelles (tortures, exécutions sommaires, climat de terreur permanent instauré par les tontons macoutes), se voit réclamer le remboursement de la dette externe qui culminait en septembre 2007 à 1,54 milliard de dollars |8| Le secteur agricole aura été le plus durement touché par les exigences des prêteurs et puisque la population était majoritairement rurale, l’ampleur des dégâts n’en a été que plus importante. En cause ? Principalement l’abaissement des droits de douane imposé aux pays du Sud mais rarement respecté entre l’Europe et les Etats-unis. Et l’enchaînement fatal s’est mis en place ; arrivée d’un riz produit à l’étranger à moindre coût (car subventionné) donc exode vers les villes de nombreux paysans ruinés et donc impossibilité de réaction du marché local en cas de flambée des prix sur le marché international. Ici comme ailleurs, les bénéfices de la libéralisation sont inexistants pour la très grande majorité de la population, les dégâts sont par contre considérables.
Il est donc plus que temps d’abandonner ce modèle de (sous-)développement néfaste et de laisser le choix aux populations de cultiver prioritairement pour leur marché intérieur. Actuellement, avec les connaissances acquises dans le domaine de l’agriculture respectueuse de l’environnement, nous pouvons viser l’autonomie alimentaire régionale sur l’ensemble de la planète et donc satisfaire à un droit humain fondamental, celui de se nourrir décemment. Les conséquences positives de ces progrès tant attendus seraient de favoriser rapidement la santé dans un premier temps, puis l’éducation, induisant une qualité de vie meilleure sous toutes les latitudes.
notes articles:
|1| p.4 de « la libre Belgique », un article de M.F.C. (avec l’AFP et Reuters) ce jeudi 10 avril 2008
|2| Lire E.Toussaint « la finance contre les peuples : La bourse ou la vie » chap.8 p.187 coédition Syllepse /CADTM/CETIM, 2004.
|3| Benoît Mandelbrot a conçu, développé et utilisé une nouvelle géométrie de la nature et du chaos. On sait moins que la géométrie fractale est née des travaux que Mandelbrot avait consacrés à la finance au cours des années 1960. Pour de plus amples informations lire : « Fractales, hasard et finance », de Benoît Mandelbrot, 1959-1997 en poche.
|4| Expert indépendant auprès de l’ancienne commission des droits de l’homme des Nations-Unies (sur les effets des PAS sur la jouissance effective des droits humains - rapport E/CN.4/1999/50 du 24 février 1999)
|5| Lire à ce propos la brochure éditée par le CETIM « Dette et Droits Humains », décembre 2007.
|6| Pour le Congo par exemple, au 30 juin 1960, jour de l’indépendance, la dette directe s’élève à un total de 921 096 301,44 US$ » (Tiré de l’article de Dieudonné Ekowana).
|7| Ce qui laisse très peu de marge pour tout le reste, tout ce qui est pourtant nécessaire au développement d’un pays. Jamais d’ailleurs le duo infernal FMI/BM ne s’est vanté d’une quelconque réussite de ses politiques sur cette île.
|8| Selon la Banque mondiale et l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) Bébé Doc. aurait détourné au total entre 300 et 800 millions de dollars.
|9| Tout comme le Premier ministre italien, Romano Prodi, sceptique sur les bénéfices des agrocarburants et qui a affirmé qu’une transition vers ce type de palliatif au pétrole aurait un impact négatif sur la production alimentaire.