Thursday, March 15, 2007

LES ACTEURS DE LA DESTABILISATION DE LA COTE D'IVOIRE

Les financiers de la destabilisation: AMAJARO et AIG FUND

Les objectifs de déstabilisation poursuivis par les financiers des
mutins

Une information transmise le 24 octobre 2002, fait état qu'une société
britannique de négoce, récemment implantée au Ghana et en Côte d'Ivoire
-Amajaro - a remis, ces dernières semaines, une somme importante à un
groupe de personnes dans le but d'entreprendre une déstabilisation de la
Côte d'Ivoire.

La somme serait au minimum de cinquante millions de dollars américains,
soit environ une trentaine de milliards de francs CFA.

Cette information, qui a été validée auprès de traders de cacao, des
banquiers internationaux, des financiers et des sources politiques
proches des milieux d'affaires américains radicaux, donne une
explication plausible, très vraisemblable et hautement probable, sur
l'origine de la principale source de financement des mutins.
Cette information met en évidence les objectifs réels poursuivis par
l'auteur du financement des mutins ; elle permet d'expliquer, de
comprendre et de relier toute une série d'évènement qui ont marqué
depuis plusieurs mois la vie économique de la Côte d'Ivoire et notamment
dans le secteur clé du cacao.

Amajaro et AIG Fund: les financiers de la déstabilisation

Amajaro : cette société de négoce, dont les bureaux sont à Londres, mais
dont le siège social est basé dans un paradis fiscal ( les îles vierges
britanniques ) est dirigée par Anthony Ward. L'an passé, ce négociant
britannique a été l'un des principaux fournisseurs de cacao du groupe
agroalimentaire américain ADM.

Au Ghana, Amajaro est dirigé par Steve White, un financier britannique
expert de la gestion des fonds d'investissement spécialistes des
matières premières sur les marchés à terme ainsi que des montages
financiers mettant en jeu des sociétés financières off-shore.
L'essentiel des financements destinés aux mutins aurait transité par la
branche ghanéenne d'Amajaro. Pusieurs transferts de fonds en provenance
de Londres, de l'ordre de 1,250 million de dollars (820 millions de
francs CFA) à chaque fois, ont été identifiés par les Services
spécialisés.

Amajaro a été fondée par les anciens de Phibro (Philip Brothers), il y a
cinq ans. Amajaro, durant ces quatre dernières années, a été impliquée à
plusieurs reprises dans des " étranglements de marché " sur le marché à
terme de Londres en association avec plusieurs fonds de pensions (AIG
Fund, Tiger Fund, African Managment Fund, un fond d'investissement
diversifié opéré en partie par la banque sud-africaine Absa, et
d'Equator Bank.

Les fondateurs d'Amajaro ne sont pas des inconnus en Côte d'Ivoire.
Ils ont été des acteurs majeurs de la guerre du cacao en 1990.
A cette époque, pour limiter la sortie de cacao en Côte d'Ivoire,
Anthony Ward et Derek Chambers n'avaient pas hésité à financer des
troubles en pays Krou.

Anthony Ward ainsi que Derek Chambers disposent d'un réseau important de
relations dans le monde politique ivoirien. Ces liens étroits se sont
noués lors de la guerre du cacao et se sont renforcés avec le règlement
du dossier cacao qui opposait la Côte d'Ivoire à Phibro au début des
années quatre-vingt-dix.

Quelques années auparavant, ces mêmes traders, dans la même structure
(Phibro) avaient activement participé au montage du volet financier du
coup d'état contre Salvador Allende au Chili. Cette participation, couplée aux positions de Phibro sur les marchés à terme du cuivre de Londres (LME) et de New York (Comex), avait permis à ces traders d'engranger une plus-value estimée à 14 milliards de dollars américains.

Avant d'être trader chez Phibro, Anthony Ward a appartenu au MI 5, le
service secret britannique. Certains des ex-traders de Phibro ont été, à
une époque récente, lourdement impliqués dans des opérations de
déstabilisation dans l'ex-Zaïre, notamment pour le contrôle de coltran,
un alliage métallique stratégique. Cette participation a été mise en
évidencee dans un rapport des Nations-Unies sur le pillage des richesses
minières du Congo démocratique. Une partie des financements pour ces
opérations a transité par les banques sud-africaines Absa et Equator.
Plus récemment des membres de cette équipe de traders, dont certains ont
rejoint le broker américain Refco, en association avec AIG Fund, ont
participé à deux tentatives de déstabilisation du Président Hugo Chavez
du Venezuela. Le motif étant, cette fois, le pétrole.

AIG Fund : Ce fond d'investissement de droit américain basé à New York,
spécialiste des placements sur les marchés à terme de matières
premières, est une filiale du premier assureur américain, AIG.
Ces trois dernières années, AIG Fund a participé en association avec
Amajaro, à plusieurs opérations de déstabilisation sur les marchés à
terme du cacao de New York et de Londres.

A la veille des attentats du World Trade Center en septembre 2001, AIG
Fund contrôlait plus de 150.000 tonnes de cacao en filière sur les
marchés à terme. Ce cacao a été transféré à Amajaro entre novembre et
décembre 2001.

L'attentat du World Trade Center ainsi que la chute du marché des
actions depuis près d'un an ont entraîné de très lourdes pertes pour AIG
Fund qui cherche depuis à rattraper ces moins-values par une
participation intense sur les marchés à terme du cacao.

Le mécanisme du financement des mutins
Selon une source américaine, confirmée par des informations concordantes
en provenance des mondes du négoce, de la finance et de sources internes
aux milieux radicaux américains, Amajaro a fait parvenir aux différents
acteurs de la mutinerie une somme de l'ordre de 50 millions de dollars
américains, soit 35 milliards de francs CFA. Ce montant est corroboré
par des informations qui sont remontées au Renseignement militaire
ivoirien, ainsi qu'aux services maliens.

Amajaro et ses associés dans l'opération disposent des moyens financiers
et des motifs suffisants pour lancer une opération de déstabilisation
majeure dont la principale victime est l'Etat de Côte d'Ivoire. Le
mécanisme s'est peu à peu mis en place, et ce, à partir de la fin
novembre 2001.

Une mécanique infernale

A l'origine de l'opération, il s'agit essentiellement d'une opération
financière à très haute rentabilité, dont l'objectif final n'était pas
une déstabilisation de la Côte d'Ivoire, mais l'obtention d'un gain
considérable sur les marchés à terme du cacao et sur la revente des
stocks de cacao physique entreposés dans les ports européens.
La nécessité d'une déstabilisation de la Côte d'Ivoire s'est imposée, à
partir de juillet, lorsqu'il est apparu évident aux initiateurs de
l'opération caco, Amajaro et AIG Fund, que la gestion de leurs de leurs
positions sur les marchés à terme du cacao, à partir de la fin juin,
nécessitait un passage à une dimension supérieure pour sauvegarder un
gain potentiel s'inscrivant dans une fourchette de 500 à 800 millions de
dollars américains, soit 280 à 450 milliards de francs CFA.
La nécessité d'une déstabilisation s'est avérée indispensable après que
l'enterrement de la réforme cacao en Côte d'Ivoire soit devenu un fait
acquis alors que la botanique et les prévisions de récolte sur la
campagne principale 2002/2003 ont déjoué en partie les résultats
escomptés par l'échec de la réforme de la filière cacao en Côte
d'Ivoire.

En juillet les anticipations laisssaient présager une bonne récolte
principale 2002/2003 (980.000 à 1 million tonne). Cette prévision
s'appuyait sur un usage en forte hausse des engrais et des produits
phytosanitaires dans les plantations de cacao par les planteurs liés à
une amélioration sensible du revenu paysan.

La chronologie

L'opération Amajaro débute en novembre dernier avec le transfert à
Amajaro de la quasi-totalité de la position cacao d'AIG Fund.
Le reliquat est transféré à ADM Etats-Unis
A partir de ce moment, Amajaro achète sur le marché à terme près de
650.000 tonnes de cacao-papier et constitue un stock de 210.000 tonnes,
soit 5% de l'offre mondiale de cacao. Acheté entre 750 et 900 livres la
tonne, cette position cacao est valorisée à plus de 1.400 livres la
tonne, soit un gain de +85% à la fin juin 2002.

L'envol des cours sur le marché à terme a poussé les utilisateurs de
cacao, les broyeurs, à réduire considérablement leur taux de couverture
(stock). Ils abordent la pleine saison (octobre-décembre 2002) avec des
stocks à minima.

Pour obtenir une valorisation maximum des stocks, qui ont été bloqués
par Amajaro jusqu'à la fin novembre afin de réduire les coûts de
stockage, il faut que le cacao ivoirien de la nouvelle récolte arrive le
plus tard possible sur le marché international. Ce retard doit permettre
à Amajaro de réaliser une plus-value de 500 à 800 millions de dollars
américains.

Les obstacles à lever

Pour parvenir à cette fin, Amajaro et AIG Fund ont opéré en plusieurs
étapes.

Dès novembre dernier, puis en décembre, Anthony Ward estime que la
réforme cacao en Côte d'Ivoire est un obstacle majeur à son opération
sur le marché à terme. Il s'agit de faire capoter la réforme. Le
principe de l'arrêt de la réforme de la filière cacao, donc des ventes à
terme, est arrêté dès ce moment.

L'éviction, en février, du ministre de l'Agriculture de l'époque, rend
possible l'avancement du plan initié par Amajaro et AIG Fund : une
désorganisation de la filière cacao. Systématiquement, les propositions
en provenance de la Primature sont combattues. La mise en place des
institutions nécessaires à la mise en place de la réforme sont différées
et lorsqu'elles parviennent à être installées, leur contenu est
dénaturés à l'exemple du FRC.

Cette construction est renforcée par le choix " d'experts " complaisants
de la Banque mondiale, violement opposés au principe d'une
commercialisation intérieure et extérieure ordonnée du cacao par la Côte
d'Ivoire.

Le passage à la déstabilisation de l'Etat

Logiquement, l'opération financière Amajaro aurait du s'arrêter à ce
niveau. Mais la botanique est venue déjouer en partie ce plan.
Dès la fin juin 2002, il est apparu évident que la récolte principale
ivoirienne serait au moins égale à la précédente, si ce n'est supérieur
en raison d'une forte augmentation de l'usage des engrais entraîné par
la hausse des cours du cacao. Dans ce contexte, le portage par Amajaro
et AIG Fund sur les marchés à terme d'une position de 650.000 tonnes
devenait aléatoire et les espoirs d'un gain mirifique (500 à 800
millions de dollars) s'éloignaient si le cacao ivoirien sortait en temps
et heure à partir d'octobre.

Dès la mi-juillet, Amajaro, en interne, évoquait la possibilité de
dégager une somme de l'ordre de 50 à 80 millions de dollars pour " tenir
le marché ". Dès cette époque, plusieurs traders, et encore récemment
Sucden, estimaient plus que probable qu'Amajaro pour " sauver " 500
millions de dollars " n'hésiterait pas à entreprendre un coup ".

La révolte des .mutins.

Les réseaux d'Anthony Ward ont été mis en action afin d'identifier un
terreau fertile à une forte perturbation des sorties de cacao de Côte
d'Ivoire.(comme déjà expérimenté avec le peuple Krou dans les années 90)
L'existence de déserteurs de l'armée ivoirienne au Burkina Faso, au
Ghana et au Mali, doublée d'un mécontentement latent des populations du
nord de la Côte d'Ivoire à l'encontre du pouvoir central, a servi de
cadre à l'opération. Dès lors, un habillage politique (RDR) et
revendicatif (MPCI) a pu être utilisé pour masquer les buts purement
financiers poursuivis par Amajaro, AIG Fund et la CAA.

Il est d'ailleurs à noter que dès la première semaine, les mutins ont
abandonné de fait l'objectif d'une descente vers Abidjan pour se
redéployer vers les zones de la boucle cacao et entraîner les
perturbations que l'on sait dans la collecte du cacao dans la boucle
principale.

Ce redéploiement a eu pour effet de pratiquement assécher les sorties de
fève sur San Pedro (15.000 tonnes semaine, soit trois fois moins que la
normale en pareille période). Par voie de conséquence, les cours du
cacao se maintiennent au-delà des 1.400 livres la tonne.
Surtout, les stocks de fèves aux mains d'Amajaro sont valorisés à leur
maximum par les achats de broyeurs en mal de fèves pour la préparation
des fêtes de Noël et de fin d'année.

C'est ainsi qu'un investissement de 50 millions de dollars génère une
plus value de l'ordre de 500 à 800 millions de dollars américains.

En conclusion

Si le gain est considérable + de 500 à 800 millions de dollars -,
l'investissement consentit par Amajaro et AIG Fund est à la hauteur des
gains à réaliser.

Entre les coûts d'entrée sur le marché, le stockage, les appels de
marges sur les marchés à terme et les financements divers, la mise
initiale est de l'ordre de 2 à 2,5 milliards de dollars, soit 1.300
milliards de francs cfa. L'ampleur de la mise impose à ces promoteurs,
une obligation de résultats.

Peu importe qu'un Etat soit durement déstabilisé, - il faut se souvenir
que le Chili a mis cinq ans pour se remettre d'une crise d'une année -.
L'opération initiée par Amajaro et AIG Fund est trop avancée pour être
arrêtée.

On comprend mieux les très violentes attaques lancées contre la réforme
de la filière cacao et contre les personnalités qui la défendent. On
comprend également les menaces répétées dont ont fait l'objet les rares
personnes capables de décrypter l'opération en cours.

Ce genre de manipulation, contrairement à ce que l'on pourrait penser,
ne nécessite qu'un nombre très réduit de personnes partageant le secret.
Au plus une dizaine de personnes chez Amajaro, AIG Fund, Refco,
disposent des éléments complets du puzzle.

Pour le reste, des bribes d'informations sur l'enjeu réel ont dû être
diffusées à un certain nombre d'acteurs ivoiriens, qui ont été "
rémunérés " en miettes mais qui ne disposaient pas de la finalité réelle
de l'opération.

Les acteurs " politiques " proches du PDCI ou du RDR ne sont pas des
acteurs directs de cette déstabilisation de la Côte d'Ivoire. Ils ont
agit plus par opportunisme en fonction des circonstances que comme des
maîtres d'oeuvre de l'opération. Les mutins, du moins pour les hommes
impliqués dans les opérations sur le terrain en Côte d'Ivoire,
paraissent ne pas avoir disposer de la totalité des cartes et semblent
plus avoir été manipulés qu'être des acteurs concepteurs. Ils ont
profité d'une opportunité importante de financement sans trop
s'inquiéter ou s'interroger sur l'origine réelle des fonds dont ils
disposaient.

Néanmoins, les initiateurs de l'opération ont joué directement sur un
terreau favorable et ont tout a été fait pour les mettre en avant de
telle manière que l'arbre masque la forêt. La subtilité de l'opération
montée par Amajaro et AIG Fund est telle que les acteurs et les appuis
indirects ont disposé dès le début de l'opération en décembre d'une
marge d'autonomie considérable. Elle a été d'autant plus grande que
leurs actions sur le terrain ivoirien entraient parfaitement en phase
avec les objectifs financiers poursuivis par Amajaro et AIG Fund.

Il est aussi évident que des gouvernements étrangers et notamment une
frange de l'Administration américaine a été mise au courant d'une partie
de l'opération. Il suffit de savoir que lors des opérations précédentes
de déstabilisation d'un Etat, AIG Fund a demandé un blanc-seing et a
présenté, une partie de ses objectifs, à l'Administration américaine.

Il est plus que probable que les mutins ignorent la finalité de leur
combat et qu'ils aient été l'objet d'une manipulation.
Le dévoilement de la finalité réelle de l'opération pourrait contribuer
à les rendre plus réceptifs à un dialogue constructif.
(Laurent, Fraternité Matin, 27 novembre 2002, publié sur abidjan.net,
http://www.abidjan.net/actualites/article/index.asp?n=34132)

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