Wednesday, May 14, 2008

Crise alimentaire mondiale

Les alchimistes de la faim

Article redigé par André Bouchut, paysan dans la Loire,
Secrétaire national de la Confédération paysanne

Il aura fallu plus de trente ans de ténacité aux organisateurs du système néolibéral pour arriver aux émeutes de l’alimentation.

Rien n’a manqué ! De l’atteinte aux droits des peuples au refus de réformer une Pac inadaptée, de la création de la dette à la mise en place de l’OMC, des plans d’ajustements imposés par le FMI aux accords bilatéraux… que d’énergie déployée pour qu’enfin l’agriculture devienne une marchandise comme les autres.

Toutes ces politiques qui ont imposé l’ouverture des frontières et favorisé les cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières, ont créé cette dépendance aux cours mondiaux.

Au jeu des avantages comparatifs, l’agriculture du Nord protégée par les normes sanitaires et dopée par des aides s’est opposée à celle du Sud basée sur une main d’oeuvre peu ou pas rémunérée : à chacun son système de dumping pour détruire la paysannerie.

Dans cette partie de Monopoly, les capitaux financiers sont arrivés en imposant leur règle du jeu basée sur l’argent gagné rapidement sans aucun souci éthique. Cette vision idéologique régie par le seul marché, mais faussée par de nombreux artifices, donne un résultat probant : malgré une augmentation plus rapide de la production agricole que de la population, on voit des émeutes de la faim se développer. Elles ne sont pas causées par le manque d’alimentation mais par le jeu spéculatif. Celui-ci provoque une hausse artificielle des prix et empêche beaucoup de pays du Sud et les populations pauvres d’accéder au droit fondamental de la nourriture.

Aujourd’hui, le moindre incident climatique peut devenir dramatique à la suite de la suppression des stocks financés par des fonds publics. Les agrocarburants sont la cerise sur le gâteau. Cette année, le prélèvement de 100 millions de tonnes de céréales, pour faire rouler nos voitures, a créé les premières émeutes au Mexique. Il développe aussi une utilisation concurrentielle à la destination alimentaire des productions agricoles.


Devant ce désastre annoncé, la Confédération paysanne exige un arrêt immédiat de la production d’agrocarburant. Elle demande un changement radical de cap pour obtenir de nouvelles politiques agricoles fondées sur le droit des peuples à la souveraineté alimentaire dans chaque pays ou région du monde. Devant l’urgence, il faut que les États reconstruisent des mécanismes d’intervention afin de retrouver les stocks nécessaires de céréales et autres denrées de premiers besoins. Ces produits doivent être mis à l’abri des spéculateurs.

Actuellement une aide d’urgence, aussi indispensable que scandaleuse s’impose. Indispensable parce qu’il faut sauver des populations de la famine, scandaleuse car l’argent des États va compenser la hausse du prix des aliments qui a essentiellement enrichi de façon inadmissible les spéculateurs.

Le changement de politiques agricoles s’impose. La France qui présidera l’Union européenne au deuxième semestre 2008 doit prendre toutes ses responsabilités.
104 rue Robespierre - 93170 Bagnolet

No comments: