Monday, March 02, 2009

LE MALI VOTE LA LOI RELATIVE AUX OGM

Par 108 voix pour 20 contre, 0 abstention et 0 non votant l’Assemblée nationale du Mali a adopté la loi portant sur l’importation, l’exportation, le transit, l’utilisation confinée, la libération ou la mise sur le marché de tout OGM ou d’un produit dérivé sous le couvert de la sécurité biotechnologique en République du Mali.

Ladite loi était défendue côté gouvernemental par Agatham Ag Alassane, ministre de l’Environnement et de l’Assainissement. C’était en présence de ses homologues de l’Agriculture, de l’Economie, de l’Industrie et du Commerce, des Mines de l’Energie et de l’Eau et des Relations avec les Institutions, porte-parole du gouvernement. La police des débats était assurée par Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale.

On se rappelle que c’est le 28 février 2007 que le gouvernement a adopté en conseil des ministres le projet de loi en question. La loi adoptée à la majorité écrasante des députés comporte 14 chapitres et 78 articles.

LE CONTEXTE

Le développement récent de la biotechnologie a consisté à l’utilisation d’une technique nouvelle pour manipuler volontairement des gènes, des cellules, ou des tissus vivants pour produire de nouveaux tissus ou pour générer des changements dans la constitution génétique d’un organisme.

Ce développement sans précédent des biotechnologies suscite des intérêts assez considérables pour les pays en développement. Il représente une opportunité pour réaliser des avancées certaines dans plusieurs domaines notamment dans l’agriculture et l’alimentation, l’environnement, la santé humaine et animale, l’énergie, l’industrie, la foresterie.

Par ailleurs, nonobstant les immenses espoirs engendrés par la biotechnologie, des inquiétudes demeurent quant à son application en raison des conséquences qui peuvent découler de son utilisation sur la diversité biologique, la santé humaine et animale et l’environnement.

De nos jours, le constat est que, face à l’immense espoir qui a fait naître les avancées en matière de biotechnologie, s’étale un océan d’insécurités liées aux risques que peut engendrer son utilisation, et pour y faire face, les Etats en développement et particulièrement le Mali ne dispose que d’un vide juridique compromettant pour des décideurs.

UNE CONVENTION INTERNATIONALE SUR LA DIVERSITE BIOLOGIQUE

Dans le souci de prendre en compte les différentes préoccupations liées à la biotechnologie, la communauté internationale a élaboré la Convention sur la Diversité Biologique (C.D.B) en 1992.

Le but visé par la convention est la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable des ressources naturelles et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.
Depuis son entrée en vigueur, la convention essaye de gérer la prévention des risques biotechnologiques liés à la nécessité de protéger la santé humaine, animale et l’environnement contre les effets défavorables de l’utilisation de la biotechnologie moderne.

JUSTIFICATION DE LA LOI

Les motivations profondes du présent projet de loi résident dans l’absence d’un cadre réglementaire adéquat pour la prise en charge des questions de biosécurité. L’adoption de ce projet de loi est essentielle d’une part pour être en accord avec les conventions et accords internationaux ratifiés par le Mali comme la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) et le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques et d’autre part pour doter le Mali d’instruments juridiques appropriés pour faire face aux risques éventuels liés à l’introduction incontrôlée des OGM et produits dérivés dans notre pays.

L’absence actuelle de loi sur la biosécurité a pour conséquence : l’absence de recherche en matière en biotechnologie moderne (c’est-à-dire le génie génétique) ; l’impossibilité de procéder à des analyses en vue de mettre en évidence la présence ou non des OGM à travers des techniques simples de biologies moléculaires ; l’impossibilité des services de réglementation de procéder à des contrôles sur l’existence ou pas d’OGM au Mali ; l’impossibilité de bénéficier des atouts des technologies modernes en santé, en agriculture, en environnement, etc...

Il faut noter que la biosécurité est l’ensemble des politiques, procédures ou techniques adoptées en vue de contribuer à l’application sans risques de la biotechnologie moderne en matière de médecine, agriculture, industrie, environnement, de prévenir les risques pour la santé humaine et animale et la sécurité environnementale.

OGM OU BIOTECHNOLOGIE?

Avant l’adoption de ladite loi, les députés de la majorité et ceux de l’opposition étaient divisés sur le sens qu’il faut donner au mot Organisme Génétiquement Modifiable (OGM) et la sécurité biotechnologique. Selon Me Kassoum Tapo, Mme Coulibaly Kadiatou Samaké, Ibrahima Lancéni Coulibaly, tous de la majorité, il ne s’agit pas d’introduction des OGM au Mali, mais de légiférer sue le domaine de la biotechnologie. Pour Konimba Sidibé, Bréhima Béridogo, Modiba Keïta, tous de l’opposition parlementaire, il s’agit bel et bien de l’introduction des OGM au Mali dans un langage biaisé qu’est la biotechnologie.

LES EXPLICATIONS DU MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

Pour le ministre de l’Environnement et de l’Assainissement, c’est une fausse information de véhiculer que nous seront dépendants des firmes multinationales productrices de semences. “Le domaine en question dépasse le seul cadre de l’agriculture. Il concerne la santé, l’élevage, l’alimentation, la forêt entre autres.

Les OGM sont déjà là, il s’agit maintenant de légiférer. Cette loi c’est pour nous protéger contre les effets indésirables et non pour l’introduction des OGM. Aucune étude scientifique n’a démontré que les aliments génétiquement modifiables ont un danger sur l’organisme humain”, a déclaré le ministre de l’Environnement et de l’Assainissement.

La loi est adoptée, il faut maintenant l’appliquer. Comme on le dit, le vin est tiré il faut le boire. La balle est maintenant dans le camp de nos scientifiques et autres chercheurs. Ils doivent être capables de dissiper les inquiétudes et les menaces sur notre souveraineté et notre sécurité alimentaire.
Daba Balla KEITA

Contre l’adoption de la loi sur les OGM :

La CNOP mène un sit-in

Les élus de la Nation étaient appelés à se prononcer sur un projet de loi sur l’introduction des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) en République du Mali, le jeudi 13 novembre dans la journée. En prélude à la séance, la Coordination National des Organisations Paysannes (CNOP) a organisé un sit-in devant la porte de l’Hémicycle de Bagadadji afin d’influencer les honorables députés pour un rejet du projet en question.

Sur les banderoles on pouvait noter: LA PROBLEMATIQUE DES OGM

Depuis quelques temps, la privatisation et les manipulations génétiques du vivant sont devenues des enjeux capitaux dans des stratégies d’enrichissement de certains individus et societés multinationales. Les ressources génétiques qui appartenaient autrefois à toute l’humanité, deviennent de plus en plus des propriétés privées.

Cette privatisation du vivant s’accentue sous la poussée de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui oblige les Etats à légiférer prioritairement pour protéger les Droits de Propriété Intellectuelle (DPI) des individus et surtout des sociétés multinationales. Il ne fait aucun doute que ces dernières qui occupent le devant de la scène de la privatisation tous azimuts, n’agissent avant tout que pour l’accumulation du profit.

La généralisation des cultures de plantes transgéniques depuis ces dernières années, pose la question centrale du contrôle politique de l’agriculture et de l’alimentation dans le projet actuel de globalisation de l’économie. Les OGM posent de sérieux problèmes environnementaux liés à l’agriculture, des problèmes d’ordre économique, politique, sanitaire tant pour les hommes que pour les animaux, les problèmes d’ordre culturel et des problèmes d’éthique.

Le flux de gènes, la généralisation de la culture des OGM présentent des risques importants de pollution génétique. En effet, les gènes artificiels introduits dans les plantes cultivées peuvent se répandre dans le patrimoine génétique des variétés traditionnelles et des espèces sauvages ou apparentées aux OGM.
Bien que les plantes transgéniques ne soient cultivées à grande échelle que depuis une dizaine d’années, les premiers problèmes de pollution génétique commencent à se manifester dans plusieurs pays. Il s’agit entre autres de mauvaises herbes tolérant les herbicides, apparition d’insectes ravageurs résistants aux toxines des plantes insecticides, de pollution génétique avec le cas bien connu de l’agriculteur Canadien Percy Schmeiser qui a été traduit en justice par une multinationale Monsanto après que son champ ait été contaminé par les semences transgéniques du voisin.

DES INQUIETUDES FACE AU PROJET DE LOI

Le document qui se trouvait sur la table de l’Assemblée nationale s’intitule <>. A la lumière des différents traités, Accords et conventions signés par l’Etat malien, et en conformité avec les dispositions de la Loi d’Orientation Agricole, il urge pour le Mali de créer un cadre d’élaboration participative d’un document de loi sur la Biosécurité qui prendrait en compte les préoccupations des populations en la matière.

Dans le cas spécifique du Mali, face à la précipitation d’une minorité de chercheurs et avec l’appui de Monsanto, Syngeta et l’USAID, un avant-projet de loi de biosécurité a été élaboré et soumis par le gouvernement à l’Assemblée Nationale. Ce document a été élaboré avec la participation de façade d’une partie de la société civile.

Par ailleurs, le projet de loi de biosécurité que le gouvernement du Mali vient de soumettre à l’Assemblée Nationale et qui a été voté présente selon la CNOP plusieurs incohérences par rapport aux aspirations du peuple en matière de biosécurité.

LA SUSPENSION DU PROCESSUS DEMANDEE PAR LE CNOP

Face à cette situation, la CNOP a demandé entre autres la suspension du processus d’études et de vote du projet de loi sur la biosécurité soumis par le gouvernement du Mali pour permettre d’élaborer un nouveau document avec la participation effective de tous les acteurs concernés notamment la COPAGEN (Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique du Mali) et ses membres.

L’engagement des processus concertés d’élaboration, d’adoption et d’application effective des textes de lois et règlement nécessaires s’inspirant des lois modèles de l’Union Africaine sur les droits des agriculteurs et des communautés locales et sur la biosécurité.

La prise de dispositions nécessaires en collaboration avec des organisations citoyennes intéressées pour mieux informer toute la population malienne sur les enjeux et les défis liés aux OGM en accord avec héritage. La mise en place d’un moratoire de 5 ans au moins sur les OGM afin de se donner le temps d’informer la population pour mieux approfondir les connaissances sur la question et prendre des décisions concertées conformément à un principe majeur de la convention sur la biodiversité et du protocole de Carthagéna.

Le renforcement des systèmes nationaux de recherche particulièrement dans le domaine des biotechnologies afin d’assurer l’autonomie de notre pays en terme de connaissance, de contrôle et de choix des produits issus de la biotechnologie. Et d’assurer l’indépendance financière de la recherche en matière de biotechnologie notamment par la mise en place d’une plate forme multi-bailleurs.

L’ADOPTION DU PROJET DE LOI SERAIT UN PARADOXE

Le président du CNOP, Ibrahima Coulibaly, dans sa déclaration, a souligné que le projet de loi est très controversé, puisque déjà son article premier stipule que la loi s’applique à l’importation, l’exportation, le transit, l’utilisation confinée, la libération ou la mise sur le marché de tout Organisme Génétiquement Modifié, qu’il soit destiné à être libéré dans l’environnement ou utilisé comme denrée alimentaire, aliment pour bétail ou produit de transformation, produit dérivé d’organisme génétiquement modifié.

Elle s’applique également aux OGM à double fonction pharmaceutique et alimentaire d’intérêt agricole. Ce qui ne se fait dans aucun pays, même les pays qui détiennent la biotechnologie “Si ce projet de loi est voté, ce sont trois engagements majeurs du Mali qui seront violés à savoir: la Convention de Carthagena, la Convention sur la Biodiversité et surtout la Loi d’Orientation Agricole.

Si les OGM entrent dans notre pays, cela constituerait un système d’esclavage pour les paysans, qui dépendront des multinationales, même si la loi est votée, nous ne seront jamais d’accord”, avait ajouté le président du CNOP.
Au finish, les élus de la nation ont adopté le projet de loi à une majorité écrasante, soit 108 pour, 20 contre et zéro abstention. Ce qui signifie que le desiderata de la CNOP pour l’adoption de ce projet de loi sera maintenu.

Le vin est tiré, il faut le boire. Mais les élus de la nation n’auraient pas dû adopter une telle loi et pour cause : cela accroîtra la dépendance de nos paysans vis-à-vis des multinationales transgéniques et compomettra la santé publique. En plus, le risque de dégradation de l’écosystème sera encore plus élevé.

Mamoutou DIALLO (Stagiaire, Nouvel Horizon

Source: Nouvel Horizon, est seul responsable du contenu de cet article

Publié sur maliweb.net

No comments: